La boîte aux lettres

C'est une boîte aux lettres que j'avais fabriqué pour jouer au facteur. Z était content, il nous laissait des objets, je lui laissais des dessins. Et puis son papa a eu l'idée d'y glisser des lettres. Pas des lettres de facteur, mais des lettres de l'alphabet, des syllabes, des bouts de mots. C'est devenu un jeu entre eux, Z récupérait les petits papiers cachés dans la boîte, et son papa lui disait comment ça se prononçait. Comme Z connait toutes les lettres de l'alphabet depuis un bail à force de nous poser des questions et de jouer avec son puzzle de lettres, il a vite compris le truc. M+O=MO. B+A=BA. Tout ça se passait quand je n'étais pas là, j'ai vu quelques bouts de papier trainer, mais c'est tout. Je me suis quand même assurée auprès de Z qu'il prenait bien ça pour un jeu et non pour un "travail". 

Récemment, j'ai vu que ce petit manège portait drôlement ses fruits : je crois qu'il sait lire. 

Je n'en reviens pas encore, mais force est de constater que quand il voit des mots écrits sans "on", "an", "oi", etc, il déchiffre syllabes après syllabes, et il dit des mots. Le premier que je l'ai entendu lire c'était la semaine dernière lors du déménagement de M. Il me montre un carton et me dit : "dedans c'est de l'huile d'olive". Et il me montre l'écriture, c'était écrit "LIVRES". Il avait lu "LIV" et c'était dit que c'était comme "huile d'olive". On reprend le mot ensemble avec son petit index qui suit les lettres, et je l'entends dire "livrèsse". Je lui dis qu'on ne prononce pas le S, et voilà, il me dit : "LIVRE". Il était ravi, moi j'étais un peu catastrophée. 

Maintenant quand on raconte une histoire, une BD, quand dans la rue il y a des affiches, il déchiffre des mots.

La boîte aux lettres a eu d'autres effets que ce que je pensais. Je voulais former un petit facteur, je me retrouve avec quelqu'un qui sait transformer des signes en sens, en mots. C'est une sacré nouvelle dimension qui s'offre à ce petit bonhomme.